La Maire de Saint-Paul, Huguette BELLO, et le Conseil Municipal souhaitent à toutes et à tous les habitant.e.s de La Réunion une excellente Fèt Kaf. (Photos Romain BETS)
La Ville adapte le format du 20 Désanm au contexte sanitaire actuel. Comme l’illustre la cérémonie du souvenir chargée d’émotions ce dimanche au Cimetière des Esclaves.
Ce lieu ô combien symbolique dans l’Histoire de notre île permet de replacer en pleine lumière le nom d’esclaves, parfois oublié.e.s. Un moment solennel auquel participe Jean-Luc MÉLENCHON, le Député, spécialement invité par la Commune à cet événement conçu pour respecter strictement les gestes barrières et les mesures de distanciation sociale.
Le public peut ainsi suivre à distance cette cérémonie du souvenir animée par la présentatrice, Aurélie BÉTON, en Facebook Live sur la page de la Ville de Saint-Paul. Revivez cette manifestation en ce jour de la commémoration de l’abolition de l’esclavage en cliquant ici.
Les Député.e.s Karine LEBON et Jean-Hugues RATENON, le président du Territoire de la Côte Ouest, Emmanuel SÉRAPHIN, les élu.e.s Saint-Paulois.e.s, le Maire de Cilaos, Jacques TÉCHER, et le Président du groupe de dialogue inter-religieux, Idriss ISSOP-BANIAN, assistent aux prises de paroles.
Première à s’exprimer, la conteuse, Miguy TACITE, déclame un poème intitulé 20 Désanm. L’occasion de partager un moment de mémoire au nom des esclaves «frappés, battus, maltraités et bâillonnés», lance-t-elle à l’assemblée réunie face à elle, à quelques mètres de la Baie de Saint-Paul, à l’arrière du Cimetière Marin.
Juste après elle, c’est au tour de Huguette BELLO, de prendre place sur l’estrade. Et de rappeler que la date historique du 20 décembre constitue un jour férié depuis seulement 1983.
La première magistrate de la cité Saint-Pauloise livre ensuite une véritable ode à la liberté dans un discours empreint d’émotions pour célébrer ce 172ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage et fêter cette victoire remportée contre la servitude et l’oppression.
«Saint-Paul terre Réunionnaise de Culture et de Solidarité a un lien étroit avec les révoltes d’esclaves. Celle de 1811 et ses conséquences tragiques car 4 esclaves ont été exécutés à Saint-Paul. ÉLIE, VINCENT, PAUL, ZÉPHYR ont eu la tête tranchée par la justice coloniale le 15 avril 1812 sur la Place du Tribunal qui est devenue Place du 18 juin. Puis nous l’avons dénommée Jardin de la Liberté en 2011 à l’occasion du bicentenaire de la révolte du 1811», clame avec ferveur la Maire de Saint-Paul.
L’élue revient aussi sur le choix symbolique du Cimetière des Esclaves comme théâtre de ce 20 Désanm. Notamment en raison de la découverte majeure intervenue en 2011 après le passage du cyclone Gamède. Celle de ce Cimetière avec plus de 1 000 personnes (esclaves, femmes, hommes) inhumées il y a deux siècles en bordure de mer à l’extérieur du Cimetière Marin.
Abolition de cette infamie
Il s’agit des sépultures les plus anciennes que La Réunion compte. Depuis 2011, ce site patrimonial représente un espace de recueillement. Avec un mémorial édifié en hommage aux victimes de la traite négrière et de l’esclavage.
La Maire de Saint-Paul revient sur le rôle prépondérant des esclaves Réunionnais.e.s pour l’abolition de cette infamie qu’est l’esclavage. Une liberté revendiquée l’arme au poing.
«En ce jour de commémoration, permettez moi de mettre l’accent sur les vrais héros. Et de rendre un hommage émérite à nos voix originelles, étouffées, celles des révoltés de 1811. Les esclaves : ÉLIE, VINCENT, ZÉPHYR, BENJAMIN, PAUL, BENOIT, SOULANGE, GILLES, SÉVERIN, FULGENCE, GASPARD, PRUDENT qui ont crié dans la nuit pour arracher la liberté. Celle de BABETH poursuivie pour incitation des noirs à la révolte», lance Huguette BELLO dans un discours poignant.
BABETH, l’esclave créole de Saint-Paul, et son fils pendu.e.s puis exposé.e.s à la potence pour avoir défié l’ordre esclavagiste. La première magistrate égrène ainsi les noms de DIMITILE, FURCY, RAHARIANNE, HÉVA et SIMANGAVOLE : des figures historiques mais ignorées de notre société moderne car «passées au broyeur par l’Histoire officielle.»
“LA LÉGENDE DES MARRONS VIT EN NOUS”
Huguette BELLO fait aussi appel à la mémoire de CIMENDEF.
«CIMENDEF héros tragique comme Prométhée. CIMENDEF, dont le nom signifie en Malgache celui qui ne courbe pas la tête, nous rappelle que le marronnage est l’illustration d’une vérité universelle. Penser c’est dire non. Ils sont là ces glorieux esclaves résistants. La légende des marrons vit en nous. Le tombeau des héros est le cœur des vivants», ajoute avec force la Maire de Saint-Paul.
Pour l’élue, la mémoire de l’esclavage invite chaque Réunionnais à devenir le CIMENDEF, maître de son destin qui ne courbe pas la tête. Elle achève son discours intense puis laisse la place à Jean-Luc MÉLENCHON.
Le Député la salue chaleureusement avant de se positionner derrière le micro. À son tour de prendre la parole. L’occasion pour lui de rendre un hommage appuyé aux élu.e.s de Saint-Paul.
«J’ai la gratitude à l’égard du Conseil Municipal de Saint-Paul qui me donne l’opportunité de m’exprimer face à vous. Il fallait que ce soit ce moment là qui me permette d’être devant vous. Vous en particulier madame Huguette BELLO qui incarnait l’indéfectible fidélité à un message qui tient lieu de fil rouge dans l’Histoire et qui nous unit comme être humains. Vous êtes l’incarnation des vertus féminines que l’on a pu observer sur cette île, peut-être encore plus fortes qu’ailleurs. Car ces héroines de cette lutte permanente contre l’esclavage sont si peu mentionnées», témoigne le parlementaire.
ODE À LA LIBERTÉ
Il prononce un discours marquant pour condamner cette barbarie esclavagiste. «Ce crime contre l’humanité». Jean-Luc MÉLENCHON s’insurge contre le «cœur pourri des esclavagistes et le système de l’époque» basé sur l’économie du sucre.
«J’ai une histoire commune avec les esclaves. Pas avec les maîtres. La vie d’un être humain est un choix. Ma couleur de peau ne le détermine pas. C’est mon cœur, mon éducation qui font de moi l’homme que je suis, la femme que vous êtes, et que nos enfants seront après nous, quelque soit leur couleur de peau. D’après l’éducation que nous leur auront donnée. De refuser toujours d’être dans le camp du mal contre celui du peuple», explique-t-il avant de remercier vivement Saint-Paul pour avoir pu lui permettre de s’exprimer dans le cadre de ce 20 Désanm.
Jean-Luc MÉLENCHON termine son intervention en louant le rôle du marronnage. Il salue les hommes et les femmes ayant eu recours à ce “mode de protestation” avant de conclure son propos par une ode à la liberté.
Les discours officiels achevés, une démonstration de moringue et une prestation de maloya pouvaient démarrer. La cérémonie se terminait par un dépôts de gerbes au Cimetière des Esclaves pour honorer la mémoire de ces héros Réunionnais.
Pour rappel, le 20 Désanm se tient dans une configuration adaptée au contexte sanitaire lié à la Covid-19. La manifestation se réinvente malgré ces contraintes. La Municipalité réaffirme ainsi sa volonté d’encourager et de soutenir la Culture sous toutes ses formes.
La célébration de la Fèt Kaf dans ce contexte est un défi. Saint-Paul le relève avec une programmation inédite et innovante.